La mythologie égyptienne : contes et légendes

 
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Message Samedi 8 Juin 2013 8h25 Répondre en citant

Voici quelques contes et légendes égyptiennes.


Noun et Ré


Noun, le sombre dieu, dort dans une solitude que rien ne trouble. Il est l'eau inerte, ténébreuse et opaque. Noun est la source et le principe de l'univers. Il contient en lui tous les éléments à venir. Tout n'est qu'attente. Les poissons, les crocodiles et les oiseaux. Les fleurs et les arbres. Les hommes et même les dieux n'existent pas encore. Enfin Noun s'éveille. Il sort de sa torpeur stérile. Autour de lui, il ne voit que lui-même. Il est partout. Cet état ne lui est pas agréable. L'ennui qu'il ressent dans cette solitude absolue le pousse à agir. Il sait qu'il est capable de créer tant de choses !


Noun s'ébroue et l'univers commence à frissonner. Eau, Noun crée d'abord la terre. Une île grise, aux contours incertains, émerge de la plaine liquide, Cette terre limoneuse est la terre d'Egypte. Née de l'eau, elle ne vivra que par l'eau. Le Nil est son principe. Le NIl, fleuve divin, est la source de toute vie. Noun continue son entreprise de création universelle. Tâche harassante s'il en fut. Le monde commence à prendre forme. Mais ces commencements de déroulent dans une atmosphère glauque, sans lumière franche. Ce 'est pas vraiment la nuit, ce n'est pas vraiment le jour. Une sorte de sombre clarté noie l'univers. Dans ce crépuscule primitif, les éléments prennent place et s'organisent. L'air se tient en suspension au-dessus de l'eau et de la terre. Le ciel surplombe le monde comme s'il se penchait sur lui. Noun travaille inlassablement. Il appelle les dieux à la vie.


Quelque part, sur l'eau initiale, flotte un lotus. Un magnifique lotus aux pétales clos vogue sur le Nil. Soudain une vive lumière, la première du monde, éclate à l'intérieur même du calice de la fleur. De plus en plus forte, la lumière contraint les pétales à s'ouvrir. Ils résistent un peu mais ne peuvent tenir bien lontemps l'assaut de cette lumière. Le lotus ouvre en corolle ses pétales, le jeune soleil s'élance. Le dieu solaire, le disque de feu, illumine le monde qui connaît enfin la clarté, les couleurs et le temps. En effet, chaque soir le dieu Ré s'installe au fond du calice, le lotus replie alors, avec précaution, ses pétales autour du soleil qui passe ainsi, au repos, l'espace de la nuit. Au matin, Ré jaillit à nouveau à la conquête du ciel. Une claire journée recommence.


Fort de sa puissance, Ré entreprend de dominer le monde. Cette conquête ne se fait pas sans heurts. Elle suscite auprès d'autres dieux une âpre jalousie. Ré, enfin, est vainqueur, il est le maître du monde. Toutes les créatures, divines, humaines et animales, lui sont soumises. Sous son règne, la paix et la justice se partagent l'univers. Dans sa jeunesse, Ré menait de rudes combats pour asseoir son autorité. Dans la force de l'âge, nul ne songe à lui contester sa suprématie. Mais les dieux vieillissent aussi. Comme chez les humains, la vieillesse des dieux les affaiblit. Alors ceux qui, jusqu'à présent, n'avaient osé élever la voix se trouvent plus assurés devant la faiblesse et tentent de prendre à leur tour le pouvoir. Les sujets des rois, humains ou divins, se révoltent contre le grand âge.


Isis, la déesse à l'habileté redoutable, est une des premières à essayer de renverser le vieux Ré. Mais pour être vieux, Ré n'est pas encore mort. Certes son corps n'a plus la vigueur d'antant, ses membres de raidissent, sa peau se parchemine, ses cheveux se modifient.


Mais si les dieux sont eux aussi soumis à l'implacable loi du vieillissement, ils diffèrent cependant des humains. Les cheveux de Ré deviennent du lapis-lazuli véritable, sa chair se transforme en or pur, ses os sont maintenant de l'argent brillant. Ainsi vieillit le dieu salaire.

Isis est très savante, elle sait presque tout ce que sait Ré. Une seule chose échappe à sa connaissance : le nom secret de Ré. Et tant qu'elle ne connaîtra pas ce nom, jalousement gardé par le dieu, elle ne pourra pas se rendre maîtresse du Soleil divin. En effet, la puissance de Ré lui vient en majeur partie de ce nom. C'est lui qui lui permet de dominer le monde.


Des noms, il en possède plusieurs. Il s'appelle tantôt Ré, tantôt le Soleil, on le nomme aussi le Grand Juge des Temps Anciens ou le Patron de l'Au-delà. Mais personne ne connaît son nom véritable. Et c'est ce nom qu'Isis doit absolument connaître. Il faut qu'elle parvienne à l'arracher de la bouche de Ré lui-même.

Malgré la vieillesse, Ré reste vigilant et imposant. Il brille comme jamais il ne le fit dans sa glorieuse jeunesse, maintenant que sa chair est devenue de l'or véritable, un bel or jaune qui éclate de lumière et de force. Par contraste, ses cheveux faits dorénavant de lapis-lazuli sans défaut apparaissent presque sombres, d'un bleu profond, plus bleu que les eaux du Nil.


Néanmoins, Isis ne se laisse pas intimider. Elle veut à tout prix le pouvoir. Or, comme il est improbable que Ré consente à lui dire son nom secret, elle doit inventer un stratagème.
Isis pétrit, de ses propres mains, de la terre. Elle forme un serpent en roulant cette terre entre ses deux paumes. Puis elle jette le serpent en ayant pris bien soin de la faire ressembler à un bâton. Le dieu soleil n'est pas fâché de trouver sur son chemin un bâton. En effet, ses os maintenant en argent massif, sont superbes, certes, mais peu souples. Un bâton lui permettra de marcher droit, comme il sied à un dieu.


A peine a-t-il tendu la main pour ramasser le bâton, qu'aussitôt le serpent le pique cruellement. Isis d'approche sans tarder et lui dit d'une voix douce :


- Prends garde qu'avec cette piqûre de serpent un sort ne t'ait été jeté. Regarde ! Le serpent est devenu un vrai bâton. N'en doute plu, tu es ensorcelé !

Isis continue à lui parler doucement :

- Pour que je puisse te guérir, ô Père divin, tu dois me dire ton nom, car il demeure en vie celui que l'on peut délivrer du sortilège en prononçant son nom.

- Je suis celui qui fit le ciel et la terre, je suis celui qui éclaire le monde. Je suis celui qui...

La douleur qu'il ressent de la morsure du serpent le contraint d'arrêter l'énumération de ses multiples noms. De toute manière, il ne veut pas dire à Isis son nom secret. Ré souffre et il sent ses forces diminuer.


Isis revient à la charge :

- Ne tarde pas à me révéler ton vrai nom, sinon tu mourras.

Le dieu soleil est alors contraint de murmurer son nom secret que nul, ni dieu ni humain, n'avait jamais prononcé. Isis le répète avec les incantations d'usage. La douleur s'évanouit. Ré est sauvé.
Le dieu magnifique est amer. Certes, il a la vie sauve, mais il ne règne plus en maître absolu sur le monde. Maintenant il faudra compter avec Isis qui connaît son nom secret.


Fin.



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Message Samedi 29 Juin 2013 6h53 Répondre en citant

Le meurtre d'Osiris


Noun, le dieu créateur à l'origine de tout, est le premier d'une riche lignée de dieux. Outre le dieu solaire, le superbe Ré, le dieu de la terre Geb, et la déesse du ciel, Nout, ont le privilège d'être les dieux les plus anciens.

Geb et Nout eurent quatre enfants : deux garçons Osiris et Seth, et deux filles, Isis et Nephtys. Osiris devient l'époux d'Isis et Seth celui de Nephtys.

Osiris, le plus sage, reçoit la souveraineté sur la terre et les hommes. Il leur enseigne l’agriculture et les lois. Tous aiment Osiris,les deux et les hommes. Tous sauf son frère Seth. Il est jaloux de son pouvoir, jaloux aussi de son charme.

Seth veut perdre Osiris. Il souhaite certes prendre sa place, mais surtout assouvir sa haine. Il cherche des complices pour se débarrasser de son frère. Il en trouve soixante-douze. Pour les convaincre de l'aider, Seth doit déployer des trésors d'éloquence et leur promettre de fortes récompenses car personne ne souhaite spontanément faire du mal à Osiris, le dieu perpétuellement bien-veillant, comme l'appellent les hommes à qui il donna la civilisation.

En grand secret, pendant qu'Osiris de repose, Seth prend minutieusement ses mesures. Puis, toujours sans témoin, il fabrique un coffre magnifique. Le décor en est splendide, les peintures éclatantes, la finesse des dessins est digne des plus grands artistes. Sa forme est élégante et fine.

Lors d'un festin qui réunit tous les lieux, Seth ordonne que l'on apporte le coffre. Tous les convives le trouvent splendide. Les louanges ne tarissent pas sur la forme, sur la beauté des dessins. La première du plan de Seth se déroule comme il le souhaite. Chacun se déclare désireux de posséder le coffre.

C'est ce que voulait Seth.

Il se présente alors devant les convives assemblés et leur dit en souriant :
[/b]

- Puisque ce coffre vous plaît tant, je l'offre à celui d'entre vous qui le remplira exactement en se couchant à l'intérieur !

Tous l'essaient. Les uns sont nettement trop petits, les autres peuvent à peine y entrer.


Osiris est le dernier à l'essayer. En riant, il s’allonge dans le coffre et s'aperçoit immédiatement qu'il est parfaitement à sa taille. Aussitôt les conjurés se ruent sur lui, le maintiennent fermement au font du coffre et rabattent le couvercle avec vivacité. Puis, pour plus de sûreté et pour empêcher qu'Osiris ne tente de s'échapper, ils ajoutent des clous au système de serrure habituel à ce genre de coffre, et vont même jusqu'à verser du plomb fondu pour assurer une fermeture parfaite.

Ces précautions prises, Seth et ses complices descendent rapidement le coffre-sarcophage jusqu'au Nil. Alors, par la route liquide, Osiris vogue vers la mer où il se perd.

Thot, le dieu de la sagesse, conseille Isis d'aller se réfugier dans le delta du Nil. Il craint en effet que Seth ne finisse par vouloir du mal à la femme de son frère. Isis suit cet avis. Sept scorpions l'accompagnent dans sa fuite.

Circuler dans les marais n'est guère commode, même pour une déesse. Un soir, elle parvient, fatiguée, devant une maison. Elle demande l'hospitalité, mais la maîtresse de maison, en voyant les scorpions qui forment la suite d'Isis, ferme brutalement sa porte et ne veut rien entendre pour laisser la déesse se reposer dans sa demeure.

Un des scorpions, celui qui se nomme Téfeu, parvient à entrer dans la maison. La bâtisse n'est pas bien solide, les murs de brique et de paille laissent apparaître de large fissures. C'est chose vraiment facile pour le scorpion que de se glisser à l'intérieur et d'aller piquer l'enfant de la maison qui dort paisiblement dans son berceau. L'enfant hurle sous la morsure et meurt aussitôt. Sa mère accourue ne peut que constater la mort de son petit. Il n'y a plus rien à faire, sinon de lamenter.

Isis, qui n'est pas encore très éloignée de la maison, entend les cris et les lamentations de cette mère. Sa colère d'avoir été éconduite tombe devant la douleur de cette femme. Elle revient vers la maison, s'approche de la mère qui tient son petit, sans vie, dans ses bras. Elle étend sa main sur le visage de l'enfant. Quand elle la retire l'enfant sourit à sa mère, Isis lui a redonné la vie.

La volonté d'Isis est tendue vers un seul but : retrouver Osiris.

Elle fouille, sans relâche, le delta du Nil. puis, parvenue à la certitude que le sarcophage ne se trouve plus dans le marais, Isis porte ses recherches hors d’Égypte.


Au-delà du Nil s'ouvre la haute mer. Poussé par les vents et les vagues, peut-être Osiris a-t-il pris le chemin de la Phénicie. Isis explore minutieusement chaque parcelle du littoral. Elle pense et espère que le flux aura fait échouer le sarcophage sur une plage, quelque part entre le Delta et Byblos.

Isis questionne les pêcheurs. Aucun ne se souvient avoir vu un coffre richement décoré. Sans se décourager, elle continue ses recherches et ses interrogatoires.

Près de Byblos, elle entend parler d'un arbre extraordinaire. Un arbre comme nul n'en vit jamais. Intriguée, ne voulant négliger aucune piste, Isis se fait engager comme servante au palais du roi. Car, se dit-elle, si cet arbre est si magnifique qu'on le dit, il doit sûrement être à l'intérieur du palais royal. Le roi en a fait, très certainement, l'ornement de ses jardins.

Mais elle a beau fouiller tous les recoins des jardins royaux, elle ne voit aucun arbre vraiment hors du commun. Certes le roi possède des arbres magnifiques, des cèdres gigantesques, des sycomores, des grenadiers, mais tous ces arbres, pour être beaux, n'en sont pas moins normaux. Or la rumeur parle d'un arbre vraiment unique en son genre.

Un peu découragée, Isis, après une ultime recherche dans les jardins du roi, rentre au palais. Songeuse, elle s'arrête quelques instants devant le portail. Brusquement, elle se rend compte que ce qu'elle cherche depuis si longtemps est là, sous ses yeux. Ce pilier devant elle, qui supporte à lui seul le toit du palais, c'est l'arbre extraordinaire dont parle la rumeur.

Ce qui lui semblait incompréhensible, mystérieux, lui apparaît clair et simple maintenant. Elle s'en veut de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Plusieurs fois par jour, pour remplir ses fonctions de servante, elle franchissait ce portail. Chaque jour elle passait devant ce pilier, mais absorbée dans la recherche d'un arbre, elle ne pensait qu'à la forme première d'un arbre tel qu'on le voit dans un bois, voire dans un jardin. Elle n'avait jamais songé qu'il pouvait s'agir d'un arbre travaillé par les hommes.

Or, c'est bien ce qui est arrivé. Isis comprend tout. Osiris a descendu le NIl, puis navigué sur la mer. Les vagues l'ont jeté sur une plage au pied d'un jeune arbre. En reconnaissant son hôte royal, le jeune végétal a grandi très vite pour pouvoir protéger de ses branches le sarcophage d'Osiris. L'arbre est devenu immense, solide. Le roi de Byblos, l'ayant découvert l'a fait abattre pour servir d'axe au toit de son palais. Le cercueil du dieu se trouve ainsi au centre de la demeure royale.

En un éclair, Isis abandonne ses haillons et revêt ses attributs de déesse. La rude étoffe dont elle était revêtue jusqu'ici tombe à ses pieds. Une magnifique robe de lin blanc la remplace. Une ceinture d'or marque sa taille gracieuse. Sur sa poitrine brille un collier fait de plusieurs ors, rouge, jaune et blanc. Serties dans le métal précieux, des améthystes et des turquoises opposent leurs belles couleurs à la blancheur de l'ivoire qui le côtoie.

Nul ne reconnaîtrait plus la servante sous les vêtements et les parures de la déesse. Son diadème, un disque d'or pur serré entre deux cornes richement travaillées, achève sa transformation. Elle n'a alors aucun mal à sortir le cercueil du tronc.

En grand secret elle se rend au port. Elle quitte Byblos sans en avertir le roi. Sans se faire remarquer, elle navigue le long des côtes. Sa divinité lui permet de faire assez facilement tout cela. Bientôt les eaux de la mer changent de couleur, elles deviennent plus grises. Les vagues frappent plus doucement la coque du navire d'Isis, le vent est moins violent, l'air moins salé. A tous ces signes Isis reconnaît qu'elle est parvenue au bout de ses peines car elle navigue maintenant dans les eaux du Delta. Elle est en Égypte. Osiris va enfin pouvoir reposer en terre sacrée.


Fin.



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Message Dimanche 21 Juil 2013 10h29 Répondre en citant

La quête d'Isis


Seth aime la chasse. Le dieu parcourt souvent les marais du Delta ; il y traque n'importe quel gibier.

Un soir, au clair de lune, il chasse des poules d'eau. Il avance avec précaution, sans faire de bruit. Soudain un cri lui échappe. Il trébuche. Aussitôt tous les oiseaux s'envolent sans qu'il ait le temps de tirer une seule flèche. Furieux, il regarde le sol pour voir contre quoi il s'est blessé.

Seth est stupéfait ! Cette chose contre laquelle il vient de trébucher est le sarcophage d'Osiris. Il le reconnaîtrait entre mille c'est lui qui l'a construit et décoré. Aucun doute n'est possible. Sans le chercher, Seth vient de découvrir le lieu secret dans lequel Isis a caché le cercueil de son mari. Furieux, Seth brise le sarcophage. Le bois vole en éclats sous ses coups, les clous cèdent à sa force et le plomb ne peut guère résister longtemps. Le riche sarcophage réduit en pièces, la fureur de Seth n'en est pas pour autant calmée. Ivre de colère, il s'acharne maintenant sur le cadavre d'Osiris.

Le corps d'Osiris, celui que tous aimaient, est déchiré. Les yeux étincelants, Seth découpe en morceaux la dépouille de son frère.

Dans un dernier geste de folle colère, Seth lance au vent les débris d'Osiris.

Pendant ce temps, Isis fait route vers la ville de Bouto. Elle est impatiente de voir son jeune fils, Horus, qu'elle avait confié à la déesse tutélaire de cette ville lorsqu'elle était partie à la recherche d'Osiris. Elle imagine combien Horus doit avoir changé. Il n'était qu'un jeune enfant quand elle est partie.

Elle est encore loin de Bouto quand une voix, venue de nulle part, une voix qui flotte dans les airs, lui annonce que Seth a retrouvé le sarcophage d'Osiris et dispersé son corps aux quatre vents.

Isis, aussitôt, se fait construire une barque en papyrus. Avant de revoir son fils, elle doit retrouver Osiris. Ou du moins, elle doit en retrouver les morceaux.

Dans sa frêle nacelle, Isis parcourt inlassablement les eaux du Nil et celles de Delta. Dès qu'elle trouve un membre de son mari, elle l'enterre avec respect sur le lieu même où elle le découvre. Ensuite les hommes établiront des sanctuaires sur les diverses tombes d'Osiris.

Ainsi, c'est sur l'emplacement de la belle ville de Busiris qu'Isis trouve la colonne vertébrale d'Osiris et qu'elle l'ensevelit pieusement.

Les eaux du Nil se montrent amicales pour Isis. Durant sa quête, aucune tempête, aucun orage ne viennent accélérer le cours du fleuve. Même les crocodiles se déclarent ses amis. Ils s’écartent doucement, sans bruit, dès que la barque de papyrus s'approche d'eux.Jamais ils n'ont un mouvement menaçant envers Isis. Ils respectent la triste tâche de la déesse.

Après avoir parcouru en tous sens les eaux du Delta, Isis se dirige vers le sud.


Elle remonte le Nil, le fleuve qui donne la vie à l’Égypte. Sans les crues du Nil, les terres de ce pays ne seraient qu'un désert. Mais grâce aux eaux du fleuve, qui viennent à intervalle régulier submerger les terres, l’Égypte est un pays riche, verdoyant, car à la chance offerte par la nature les paysans égyptiens ajoutent leur inlassable travail d'irrigation.

Descendant toujours vers le sud, Isis parvient à Abydos. Là, elle trouve la tête d'Osiris. Les cérémonies peuvent enfin avoir lieu et Osiris commencer son long voyage vers l'immortalité.

Isis a retrouvé tous les morceaux du corps de son mari. Tous les rites funéraires sont accomplis. Osiris, qui eut la souveraineté sur les hommes et leur donna la civilisation, peut enfin rejoindre son séjour éternel. Il monte au ciel et puisqu'il ne peut plus être le souverain des vivants, il devient celui des morts.

Maintenant Isis peut, avec délices, se consacrer à l'éducation de son jeune fils, Horus, le dieu à la tête de faucon.

Isis veille jalousement sur cet enfant, car, à juste titre, elle craint toujours le dieux aux cheveux roux, le brutal et belliqueux Seth.

Isis ne peut oublier un fait qui s'est passé il y a longtemps, quand Horus n'était encore qu'un nourrisson. Certes, la déesse protectrice du Delta veillait avec soin sur la sécurité de l'enfant, mais cette vigilance était surtout dirigée contre les ennemis divins d'Horus, et principalement contre le dieu rouge, Seth. Or, il advint qu'un jour, alors qu'Horus dormait paisiblement dans sa nacelle de roseau, un scorpion, un banal scorpion, vint le piquer. La déesse tutélaire ne pouvait le préserver de tous les malheurs.

Horus mourut comme n'importe quel enfant victime d'une morsure de scorpion.

La douleur d'Isis fut immense. Mais elle n'oublia pas qu'elle était la fille du dieu solaire.

Elle adressa à son père une prière poignante. Son éloquence, ses larmes surtout touchèrent le cœur de Ré.

Un mot suffit au dieu du soleil pour arrêter en pleine course sa barque solaire. Un autre ordre claqua. Thot, le dieu de la sagesse, reçut pour mission de descendre sur terre et de redonner la vie au jeune Horus.

Ainsi fut fait. Le sang rosit les joues du nourrisson, bientôt il ouvrit les yeux. Visiblement, il ne gardait aucun souvenir de son court passage dans le monde de la mort.

Mais Isis, elle, garde toujours en mémoire cet épisode cruel. Sa vigilance s'accroît.

Isis et Horus vivent toujours à Bouto, mais leur véritable nature divine n'est connue de personne.

Horus grandit, d'enfant chétif il devient un jeune homme, certes toujours frêle, mais sait compenser sa faiblesse physique par la puissance de son intelligence.

Parvenu à l'adolescence, il quitte sa cachette. Mais, en la quittant, il abandonne la protection de la déesse du Delta. Horus le sait, comme il sait qu'il est dans son droit en voulant porter la couronne royale, celle de son père, celle qui marque le droit de gouverner les hommes. Depuis longtemps Horus s'est préparé à cette tâche. Il s'est, tout aussi assidûment, préparé aux affrontements guerriers car il se doute bien que pour obtenir ce qu'il veut, il lui faudra se battre. Pour cela, depuis des années, Horus s'est familiarisé avec le maniement des armes et l'équipement de guerre. Il sait atteindre une cible avec sa lance tout en se maintenant en équilibre sur la frêle nacelle de son char emporté par le galop de son cheval. Il sait de battre au poignard. Horus-le-faucon veut venger le meurtre de son père Osiris et réclame pour lui, devant l'assemblée des dieux, la couronne royale.

Horus sait qu'il n'est pas le seul à désirer cette investiture. Son oncle, le dieu rouge, prétend lui aussi avoir, de droit, la souveraineté sur les hommes.

Tous deux portent leur querelle devant les Ennéades, l'assemblée des dieux, habilitées à rendre le jugement.

Fin



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Message Dimanche 28 Juil 2013 12h23 Répondre en citant

Les aventures d'Horus et de Seth.


Les Ennéades délibèrent, examinent les arguments des deux partis en présence, mais ne parviennent à aucune décision ferme et définitive.

Depuis qu'Osiris est mort, la fonction de roi des hommes est vacante. Horus, le fils d'Osiris, réclame le trône. Seth, le frère d'Osiris, le veut aussi.

Un procès devant le tribunal divin se tient longtemps, sans résultat. L'assemblée des dieux hésite entre les deux prétendants.

Devant le collège divin, Horus déclare que la charge de son père lui revient de droit. Le dieu Chou, fils de Ré, et Thot, le dieu de la sagesse, lui donnent raison. Isis, la mère d'Horus, laisse éclater sa joie. Mais Seth est furieux. Il demande qu'un combat singulier soit organisé entre Horus et lui.

En vérité, l'esprit de décision ne semble pas animer cette assemblée de dieux, puisque la voici qui hésite encore.

"Qu'allons-nous faire ?" se demandent pour la millième fois les dieux. Ils décident de demander conseil à Neith la puissante, la mère divine qui n'a pas coutume se siéger avec les autres dieux. Thot écrit donc à Neith pour lui demander ce qu'il faut faire de Seth et Horus.

Très rapidement, Neith répond :

- Remettez la couronne d'Osiris à son fils Horus, sinon je me fâcherai et ciel s'écrasera sur la terre !


Thot lit cette lettre devant les Ennéades. Il semble qu'enfin l'on s'achemine vers une solution définitive, mais si l'esprit de décision ne caractérise pas cette assemblée, la concorde ne semble pas pouvoir non plus la définir. En effet, en entendant la lecture de la lettre de Neith, Ré-Atoum, le chef des dieux, le président du tribunal divin, est très mécontent. Il trouve qu'Horus est beaucoup trop jeune e trop faible pour une telle fonction.

Encore une fois l'assemblée se dissout. Chaque dieu rentre chez lui. Ré-Atoum, blessé de n'avoir pu rallier les autres dieux à son avis, reste tout un jour étendu sur le dos dans son pavillon. Il est triste. Il est seul. Sa fille, la déesse Hathor, vient alors lui rendre visite et par ses pitreries fait revenir le sourire et même le rire sur le visage de son père, qui consent à siéger à nouveau à l'assemblée.

Encore une fois il semble que Seth l'emporte, Thot et Isis sont mécontents et s'écrient :

- Va-t-on donner la fonction du père au frère du père alors que le fils selon la chair est bien vivant ?


Encore une fois l'assemblée hésite. Seth entre alors dans une grande colère contre ces dieux indécis. Il menace et affirme qu'il ne se présentera plus devant ce tribunal tant que la mère d'Horus y siégera. Ré-Atoum l'approuve et décide que le tribunal tiendra dorénavant audience dans l'île du Milieu. Ordre est donné au passeur de ne laisser aucune femme ressemblant à Isis mettre le pied sur l'île.

Mais c'était compter sans les pouvoirs magiques de la déesse. Car c'est sous les traits d'une vieille femme qu'elle se présente au passeur. Toute courbée, un petit anneau d'or à la main, elle lui dit :
- Je suis venue à toi afin que tu me transportes dans l'île du Milieu. Mon fils y garde le bétail et je vais lui porter du pain.


Le passeur refuse en disant qu'il a reçu l'ordre de ne laisser aucune femme accoster sur l'île.

Calmement Isis affirme qu'elle a entendu parler de cette interdiction, mais qu'elle ne vaut que pour la déesse Isis et que cet ordre ne saurait s'appliquer à une pauvre vieille femme.

Le passeur lui dit alors :

- Que me donneras-tu si je te fais passer dans l'île du Milieu ?


Isis propose son anneau d'or et le passeur accepte de la conduire sur l'île.

Les dieux sont assis, ils discutent entre eux et mangent du pain. Aucun d'eux ne voit arriver Isis. Seul Seth entend un bruit suspect. Il se lève et se dirige vers la rive, mais, avant qu'il ne soit assez près pour la reconnaître, Isis se transforme en une très belle jeune femme. Seth est immédiatement séduit. Jamais il n'a vu de femme aussi belle ; Isis, ou plutôt la belle jeune femme, dit à Seth :

- Écoute mon histoire : je suis la femme d'un riche pasteur, je lui ai donné un enfant mâle. Depuis la mort de son père, ce jeune enfant s'occupe très bien du bétail. Or voici qu'un étranger veut lui prendre son bien. Je t'en prie, grand seigneur, viens à notre aide !


Seth répond aussitôt :
- Ne crains rien, je combattrai pour toi car, en vérité, on ne peut pas donner le bétail à l'étranger alors que le fils du père est encore vivant !


A peine a-t-il prononcé ces paroles qu'Isis se métamorphose en milan et prend à témoin les dieux :
- Seth vient de se juger lui-même.


Ré-Atoum abandonne le parti de Seth et se déclare dès lors un fidèle partisan d'Horus.

Seth est seul maintenant, mais il continue à se battre. De nombreux combats opposent encore les deux prétendants au trône.
Les années passent en luttes en en séances de tribunal, toujours aussi inutiles. Le temps joue en faveur d'Horus car l'adolescent un peu chétif il devient peu à peu un homme fort et surtout astucieux. Autant Seth est brutal et facile à berner, autant Horus est ingénieux et rusé.

Mais aucun de ces combats n'est décisif. La force brutale de Seth ne peut venir à bout de l'endurance et de l'agilité d'Horus. Pas plus, d'ailleurs, que l'intelligence du dieu à tête de faucon ne peut soumettre la puissance du dieu rouge.

Un jour, une lutte particulièrement violente oppose Horus et Seth. Les deux adversaires se battent avec fureur. Longtemps la plaine retentit de leurs cris et du bruit des coups qu'ils se portent. Poignards et boucliers font leur office. Les uns attaquent, les autres protègent. Les deux dieux savent bien combattre. Toutefois, tout dieux qu'ils sont, la fatigue finit par les accabler. Mais ils continuent néanmoins à se battre. Ils savent que c'est un véritable combat à mort qu'ils se livrent ici. L'enjeu est grave puisqu'il ne s'agit pas moins que de régner sur les hommes, de prendre la place laissée vacante par Osiris. De ce point de vue, Horus possède une force morale qui supplée à son manque de force physique, jamais il n'oublie qu'il est le fils d'Osiris et que son adversaire n'en est que le frère.

Cette pensée le soutient durant ce combat dont chacun des deux adversaires pense qu'il sera le dernier. Horus porte des coups décisifs contre Seth. Il le blesse profondément, le mutile même. Mais Seth combat toujours malgré le sang qui coule de ses blessures. Dans un sursaut de rage, il parvient même à arracher un œil à Horus, qui continue néanmoins à se battre.

Combien de temps ce combat aurait-il duré si la sage Thot n'était intervenu pour arrêter cette lutte meurtrière ?Le dieu de la sagesse en a assez de cette querelle qui ne parvient pas à trouver d'issue. Il sépare les combattants et les guérit de leurs blessures. Horus retrouve l'usage de son œil arraché, Seth celui de ses membres.


Pour en finir avec cette interminable guerre de succession, Thot, le sage, propose d'écrire directement à Osiris. Il faut des messagers courageux pour aller porter cette lettre au pays des morts sur lequel règne maintenant Osiris. On trouve de tels messagers. Ils vont chez les morts et en rapportent la réponse d'Osiris :
- Pourquoi a-t-on si mal agi envers mon fils Horus ? N'ai-je pas toujours fait régner la justice aussi bien chez les vivants que chez les morts ? En vérité, dieux de d'Ennéade, craignez mon courroux, retrouvez le chemin de la justice et donnez le sceptre divin à mon fils.


Horus triomphe enfin. Seth lui-même s'incline et reconnaît la souveraineté d'Horus.

Que pourrait-il dire en effet, maintenant que le père lui-même intervient en faveur de son
fils ?

La royauté divine d'Horus est proclamée lors d'une grande cérémonie d'investiture. Le dieu à tête de faucon reçoit les emblèmes de sa charge, d'abord la couronne blanche qui manque sa souveraineté sur la terre d’Égypte tout entière, puis un disque d'or entouré de plumes multicolores, symbole de sa victoire sur Seth, le dieu rouge vaincu.

Maintenant, sur le fronton de chaque temple, les hommes reproduiront ce disque solaire.


Fin.



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Message Jeudi 8 Aoû 2013 8h39 Répondre en citant

Sinouhé


Le palais du roi est silencieux ce matin. Hier Sa Majesté Amenemhat est morte. La divinité royale a rejoint le dieu solaire et le corps du roi s'est uni à celui qui l'avoir créé.

Les courtisans sont accroupis, la tête sur les genoux, dans l'attitude du deuil qui sied à leur condition.

A leur peine d'avoir perdu le roi se mêle leur inquiétude pour l'avenir. Chacun se doute bien que la succession ne sera guère facile. Le fils aîné du roi est absent du palais. Son père l'a envoyé à la tête de l'armée combattre les rebelles qui menacent la sécurité de l’Égypte. Dès la mort du roi, des messagers sont dépêchés auprès de son fils. Immédiatement Sésostris quitte l'armée en secret, et fait route vers le palais. Mais, par des voies détournées, les autres enfants royaux apprennent très vite la nouvelle de la mort de leur père. Chacun désir succéder à Amenemhat.

Sinouhé, noble Égyptien faisant partie de l'armée, entend un homme prévenir l'un des princes. Comme les courtisans restés au palais. Sinouhé imagine ce qui va arriver. Du sang coulera avant qu'un nouveau roi ne reçoive l'investiture. Une guerre de succession semble inévitable. Sinouhé craint pour sa vie. Le nouveau roi, quel qu'il soit, voudra sûrement de débarrasser de lui, l'ancien favori.

Sinouhé décide de ne pas rentrer avec le reste de l'armée. Il décide même de quitter l’Égypte, d’abandonner tous ces biens pour garder la vie.

Sinouhé se cache. Il attend le moment propice pour quitter l'armée. Il parvient à se dérober aux regards des officiers et des courtisans, et dès qu'il le peut il quitte la route et se dirige vers le delta du Nil. Ces lieux à la lisière des terres cultivées ne sont guère fréquentés. Néanmoins Sinouhé prend des précautions.

A la pointe du Delta, il franchit le Nil à Négaou. Il se trouve aux confins des terres égyptiennes, tout près de la forteresse construite pour repousser les Bédouins, ces coureurs du désert.

La nuit tombée, Sinouhé trompe la vigilance des sentinelles et traverse la frontière. L'exil commence.

Le désert lui aussi commence ici. Sinouhé marche sous le soleil, le sable sèche sa gorge. La soif l'assaille. Ses forces s'amenuisent. Il tombe et sent sur ses lèvres le goût de la mort. Un moment, des heures, un jour peu-être passent. Sinouhé est étendu sans connaissance sur le sable du désert. Soudain les mugissements d'un troupeau et des voix d'hommes le sortent de sa torpeur.

Sinouhé ouvre les yeux et voit des Bédouins se pencher sur lui.

Loin d'avoir une attitude menaçante, ils le regardent au contraire avec sollicitude. En effet le cheikh qui dirige cette caravane reconnaît Sinouhé pour l'avoir rencontré et estimé en Égypte. Les Bédouins donnent de l'eau au fugitif, le nourrissent et l'emmènent avec eux, lui épargnant ainsi les dangers et les fatigues d'une marche solitaire.

Pendant dix-hui mois, Sinouhé partage la vie de ces hommes du désert. Sa sagesse, ses qualités le font apprécier et aimer de tous.


Le prince Amounenchi entend parler de lui par la rumeur publique et le convie sous sa tente. Ils mange, boivent et bavardent ensemble. Le prince propose à Sinouhé de s'établir auprès de lui. De nombreux Égyptiens vivent déjà dans la compagnie d'Amounenchi. Ainsi Sinouhé, l'exilé, aura-t-il le plaisir d'entendre et de parler sa langue natale. La conversation continue entre les deux hommes et le prince pose enfin la question qu'il avait dessein de poser depuis le début de l'entretien :


- Pourquoi es-tu venu ici ? Est-il arrivé quelque chose de grave en Égypte ?

Sinouhé comprend que le prince est en train de sonder sa loyauté. Aussi décide-t-il de répondre en modifiant un peu la vérité. Il raconte la mort d'Amenemhat, son propre esprit troublé et sa crainte d'une disgrâce. Subtilement Sinouhé présente son idée de fuite comme suggérée par Ré lui-même.

Le prince bédouin fait mine de s'inquiéter du sort de l’Égypte après la mort de son roi. Et là, autant pour éloigner les soupçons d'Amounenchi que pour ne pas apparaître comme un traître devant les Égyptiens présents à la cour de ce prince, Sinouhé répond que le fils aîné du roi est entré dans le palais et qu'il dirige très certainement l’Égypte de main de maître.

Amounenchi, satisfait de ces réponses et de l'adresse de Sinouhé à se sortir d'une situation délicate, lui propose de venir s'établir auprès de lui. Sinouhé accepte.


Bientôt Sinouhé l’égyptien devient Sinouhé le Bédouin. Aimé et craint de tous ses nouveaux compagnons, il est tellement apprécié de son prince qu'il passe avant les propres fils d'Amounenchi et qu'il en épouse la fille aînée. Il reçoit aussi de belles terres très fertiles situées dans l'oasis. Riche, puissant, Sinouhé est maintenant un chef de tribu. Un des meilleurs.

Ses fils, à leur tour, dirigent leur propre tribu. Quand des ennemis attaquent, c'est toujours à Sinouhé que l'on demande des conseils sur les manœuvres militaires. Le prince le nomme général des armées ; Sinouhé gagne toutes les batailles.

Sa renommée est grande. Tout le monde connaît Sinouhé et cela ne va pas sans exciter des jalousies. Ainsi , un jour, un homme particulièrement fort lui jette-t-il un défi. Sinouhé comprend que que cet homme, ce Bédouin, est jaloux de son prestige. Fort et courageux, ce coureur du désert veut se mesurer à Sinouhé. Il s'agit en quelque sorte d'un combat de taureaux pour la domination du troupeau. La clairvoyance de l’Égyptien lui présente immédiatement cette image. Et alors ? Parce qu'un taureau aime le combat, un taureau d'élite refusera-t-il l'assaut, de crainte de perdre ?

Le prince et Sinouhé, après s'être entretenue de cette affaire, conviennent que le combat est inévitable. La nouvelle s'en répand très vite. Le duel est fixé au lendemain.



Toute la nuit Sinouhé fourbit et vérifie ses armes. A l'aube, la moitié du pays est assemblée dans l'attente du combat. Tous les cœurs battent pour Sinouhé l’Égyptien. Le combat promet d'être grandiose. Le Bédouin est très fort. Il manie ses armes avec adresse. La lourde hache et l'épais bouclier semblent légers entre ses mains puissantes. Sinouhé sait bien qu'il n'est pas aussi fort que cet homme. Il lui reste la ruse. Et la souplesse.

Sinouhé se déplace de telle manière qu'il contraint son adversaire à brandir et à lancer toutes ses armes, ses javelots d'abord puis toutes ses flèches qu'il esquive avec adresse. Bientôt son adversaire n'a plus que ses mains pour combattre. Il s'avance, menaçant, furieux contre Sinouhé qui, prestement et habilement, lui décoche une flèche dans le cou. Le colosse s'abat et Sinouhé l'achève avec sa propre hanche. Le prince et le peuple sont heureux de cette victoire, elle accroît le prestige et les richesses de celui qui, il y a bien longtemps, a fui la terre d’Égypte.

L’égyptien, Sinouhé y pense souvent. Il y pense encore davantage depuis que le poids des ans se fait sentir. La nostalgie l'envahit. Il souhaite ardemment mourir dans son pays.

Ses rêveries le conduisent toujours au bord du Nil ; il s'imagine dans le jardin parfumé, il se voit donner des ordres aux ouvriers qui construisent sa sépulture. En effet, pour un Égyptien rien ne compte davantage que la certitude d'être dans son pays.

Depuis quelque temps déjà, ses pensées prennent toujours le même chemin qu'elle parcourent sans cesse. Sinouhé imagine la vie qui aurait été la sienne s'il était en Égypte. Il serait riche, tout comme il est riche chez les Bédouins, mais il y serait aussi plus tranquille, maintenant qu'il parvient au terme de sa vie.


En effet, parmi toutes ces pensées qui l'assaillent à ses heures de méditation une seule lui taraude l'esprit douloureusement. Comment son âme pourra-t-elle rejoindre le royaume d'Osiris, si les rites funéraire égyptiens ne sont pas accomplis . Or comment exiger de ses fils et de ses filles, née sur la terre des Bédouins, qu'ils lui procurent des funérailles égyptiennes ?

Cette idée, qui l'inquiète vraiment, ne le quitte plus.

Aussi, tout en accomplissant toujours ses devoirs de chef de tribu, Sinouhé se détache, par la pensée, de la terre des Bédouins. En secret, il invoque ses dieux et les prie de permettre son retour en Égypte.

Là-bas, la situation politique est stable, Sésostris a triomphé des factions et son règne est celui de la justice.

Mais tout cela ne se fit pas en un instant, ses ennemis ne s'avouèrent pas vaincus facilement, il fallut que Sésostris combattît souvent. Plus souvent encore, il eut à déjouer les pièges et les intrigues des courtisans.Maintenant son pouvoir est assuré, les ennemis de l'intérieur sont enfin soumis, et ses armés veillent aux frontières. Le pays est en paix et Sésostris peut enfin donner audience à tous ceux qui viennent lui demander de réparer les injustices dont ils ont souffert durant les années de troubles politique.

Pharaon écoute attentivement le plaidoyers de chacun. Il s'efforce surtout de séparer le vrai du faux, car il se doute bien que certains vont peut-être essayer de profiter de sa clémence pour obtenir davantage que ce que la simple justice commande.

Un jour, un homme presque âgé se présente devant Sésostris.

Il raconte son histoire, brièvement, sans rien retrancher ni ajouter à la vérité des faits qui se sont passés, il y a des années, au moment de la mort de l'ancien pharaon. Cet homme était alors officier, il faisait partie des armées qui se trouvèrent divisées lors des guerres de succession. Il avait tout perdu et venait demander justice. Tout en racontant son propre malheur, il ose interroger Sésostris sur le sort d'un de ses amis d'autrefois qu'il n'a jamais revu depuis cette nuit tragique.

D'abord étonné de l'audace de cet homme qui ose le questionner, Pharaon admire finalement le courage de cet ancien soldat qui ne craint pas être jeté hors du palais pour avoir transgressé l'étiquette de la cour. Et alors tous ses espoirs de retrouver ses biens perdus seraient à tout jamais évanouis. Ainsi, le vieil homme pose nettement une question à Sésostris :


- Qu'est devenu l'intendant Sinouhé, mon ami d'enfance, après cette nuit tumultueuse qui vit tant de désordres ? Je ne l'ai jamais revu, il doit être encore vivant, mais où ? Plus que de retrouver ma fortune perdue, je souhaite avoir des nouvelles de cet excellent ami.

Sésostris, touché de la fidélité de cet homme envers un ami disparu depuis si longtemps, arrête d'un geste les gardes qui se précipitent déjà pour molester celui qui ose ainsi ouvertement questionner Pharaon.

Et, à la stupeur des courtisans, non seulement Sésostris admet l'attitude de cet homme, mais encore il lui répond qu'il va tout mettre en œuvre pour que soit retrouvé son ami, le grand intendant Sinouhé. L'homme se retire confiant dans la justice de Pharaon. Il vient d'être dédommagé de ses biens perdus et il ne doute pas un seul instant que Sésostris agira tout aussi bien envers Sinouhé, dès qu'il l'aura retrouvé.

La police fait rapidement son office, la trace de Sinouhé est retrouvée, et immédiatement Pharaon envoie un messager l'invitant à revenir sans crainte à la cour.

Sur-le-champs, Sinouhé règle ses affaires. Il fait le partage de ses biens entre ses fils. Il dit adieux à ses amis les Bédouins et rentre triomphalement en Égypte.

Sésostris se montre très généreux envers l'ancien fugitif. Non seulement il entre en possession de ses biens, mais encore le roi les accroît-il. Et surtout, faveur suprême, une tombe magnifique est construite pour Sinouhé au milieu de celles des enfants royaux.

Comblé d'honneurs et de richesses, Sinouhé, enfin pleinement heureux, attend sereinement la mort.


Fin.



vice nomarque de Thèbes III et nomarque de Thèbes VIII. Historienne de Thèbes.
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